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The revolution re-runs?

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carton pour le titre emblématique de Gil Scott-Heron (via what's there to smile about?)

Il y a eu comme un sentiment d’apaisant malaise Ă  voir l’ancien chef de l’Ă©tat Égyptien apparaĂ®tre au tribunal, ou plus encore Ă  l’Ă©cran, dans la tenue blanche considĂ©rĂ©e comme celle des prĂ©venus par le système judiciaire du pays.
Tribunal patiemment remontĂ© dans l’ancienne Ă©cole de police du Caire, ancien ministre de l’intĂ©rieur lui aussi dans la cage des accusĂ©s avec les fils du prĂ©sident dĂ©chu, avocats et juges, ces images furtives de la tĂ©lĂ©vision publique Ă©gyptienne rediffusĂ©es sur les chaĂ®nes occidentales respiraient l’air de la dĂ©faite. Celle de la mise en scène, possiblement lĂ  pour satisfaire une majoritĂ© de tenants d’une conclusion finale Ă  la rĂ©volution. Celle du RaĂŻs et de son système corrompu. Celle, enfin, de ces images qui peinent Ă  n’ĂŞtre que des Ă©vidences mais fabriquent en mĂŞme temps un nouveau mythe.

Mubarak trial via Aljazeera.net

On est d’abord tentĂ© de repenser aux rĂ©volutions de 1989, particulièrement au procès des Ceaucescu. Dans une intriguante exposition, History Will Repeat Itself, au KW Institute for Contemporary Art de Berlin (2007), l’artiste roumaine Irina Botea faisait rejouer Ă  des Ă©tudiants en théâtre de Chicago, les scènes de la rĂ©volution roumaine, parmi les premières Ă  ĂŞtre diffusĂ©es Ă  la tĂ©lĂ©vision. Auditions for a Revolution (2006) est un Ă©trange remake, un frottement entre d’anciennes et de nouvelles scènes maladroitement rejouĂ©es et qui recomposent quasi Ă  l’identique les images de la tĂ©lĂ©vision d’hier.

ProjetĂ©es en simultanĂ©, les images en 16mm et vidĂ©o de Botea se confrontent alors Ă  celles prises lors de la rĂ©volution. On repère dans ces dernières de larges extraits qui avaient Ă©tĂ© utilisĂ©s en leur temps par Harun Farocki dans son film Videogramme einer Revolution (1992): un film-montage rĂ©alisĂ© en collaboration avec Andrei Ujica et qui remontait les films amateurs, reportages de la tĂ©lĂ©vision officielle et autres films sensĂ©s tĂ©moigner de cette volte-face de l’histoire.

Irina Botea, Auditions for a revolution, extraits (2006)

Irina Botea, Auditions for a revolution, extraits (2006)

Harun Farocki, Andrei Ujica, Videogramme einer Revolution, extraits (1992)

Harun Farocki, Andrei Ujica, Videogramme einer Revolution, extraits (1992)

Dans un excellent article (1), Jeremy Hamers dĂ©crypte le film de Farocki et y distingue deux dispositifs en jeu dans les images de la rĂ©volution roumaine: celui d’un dispositif d’État et celui d’un dispositif rĂ©volutionnaire. Deux rĂ©gimes opposĂ©s a priori, deux points de vue diffĂ©rents. Chacun jouant Ă  sa propre manière de «ce que Brecht nommait la Selbtverständlichtkeit, l’Ă©vidence». Or pour Hamers rien n’est forcĂ©ment Ă©vident dans Videogramme einer Revolution si ce n’est une fragile dialectique entre «image documentaire» et «rĂ©el imprĂ©vu» qui sous-tend des traitements d’images identiques mais diffĂ©renciĂ©s par l’inattendu (en l’occurence la rĂ©volution). Les images ordonnĂ©es et scĂ©narisĂ©es documentant le rĂ©gime se trouvent redites mais parasitĂ©es par leur nouveau traitement rĂ©volutionnaire, chaotique, erratique, sur lequel Farocki et Ujica reviennent, relisent, recherchent, redonnant dès lors au spectateur de cette re-vision de la rĂ©volution.

La re-vision, qui n’est pas la rĂ©vision, mais le fait de voir de nouveau, est ce possible espace du retelling visuel auquel Irina Botea invite le spectateur Ă  participer, pour tenter certainement de comprendre cet autre point de vue de la protestation rejouĂ©e et retĂ©lĂ©visĂ©e. Un duplicata implacable qui pose la question de l’interprĂ©tation de l’histoire (au sens propre et au sens figurĂ©: comprendre et jouer) mais aussi de la contre-histoire: l’histoire Ă  cĂ´tĂ© de oĂą comme l’explique Kenny McBride (2) en citant Law, de la contre-mĂ©moire foucaldienne: «counter memory is not the content of memory itself, but rather the role a particular memory is playing in a larger construct of remembrance» (3). Une mĂ©moire aux marges, une mĂ©moire personnelle et particulière qui fait appel aux souvenirs et s’Ă©loigne de l’histoire officielle figĂ©e par les faits et les Ă©vidences.

Le fait de redire, de rejouer, de re-visionner implique effectivement de convoquer Ă  nouveau ces reliquats mĂ©moriels, de les hisser, positivement ou nĂ©gativement, au statut de trame, d’un nouveau genre de scĂ©nario qui serait celui du rĂ©el refait. Comme l’Ă©crivait Rainer Maria Rilke (4) dans son ode Ă  l’expĂ©rience et au vĂ©cu: «Et il ne suffit mĂŞme pas d’avoir des souvenirs. Il faut savoir les oublier quand ils sont nombreux, et il faut avoir la grande patience d’attendre qu’ils reviennent. Car les souvenirs ne sont pas encore cela. Ce n’est que lorsqu’ils deviennent en nous sang, regard, geste, lorsqu’ils n’ont plus de nom et ne se distinguent plus de nous, ce n’est qu’alors qu’il peut arriver qu’en une heure très rare, du milieu d’eux, se lève le premier mot d’un vers».

Irina Botea, Auditions for a revolution, extraits (2006)

Botea fabrique patiemment un poème visuel, un geste presque palidonique oĂą l’intĂ©rĂŞt n’est pas forcĂ©ment d’avoir des acteurs qui rejouent une rĂ©volution tĂ©lĂ©visĂ©e mais plutĂ´t de provoquer le tĂ©lĂ©scopage de deux souvenirs, ici deux traces distinctes pour lesquelles la ressemblance fait diffĂ©rence. L’idĂ©e benjamienne du tĂ©lĂ©scopage dans le temps (5) est pour Inke Arns une rĂ©fĂ©rence directe Ă  une nouvelle de Borges, Pierre MĂ©nard, auteur du Quichotte, oĂą la question du refaire est centrale ainsi que celle des contextes de crĂ©ation des oeuvres.

Ainsi dans L’oeuvre d’art (6), Genette et Goodman s’opposent sur le «problème Borges» mentionnĂ© par Goodman. Pour Nancy Murzilli, «Genette rĂ©cuse le critère goodmanien d’identitĂ© des oeuvres littĂ©raires. Pour Goodman, le texte de Cervantès et celui de MĂ©nard sont une seule et mĂŞme oeuvre en vertu de leur identitĂ© syntaxique […] Genette, en revanche, refuse l’identification de l’oeuvre Ă  son texte, parce qu’elle exclut du mode d’existence de l’oeuvre littĂ©raire la part de l’interprĂ©tation. Pour Genette, le texte de Cervantès et celui de MĂ©nard sont bien deux oeuvres distinctes, qui se diffĂ©rencient par « l’histoire de leur production »Â» (7).

Botea et ses acteurs interprètent la rĂ©volution et par lĂ -mĂŞme transcendent l’Ă©vènement original, celui-ci se refabriquant Ă  une autre Ă©poque et dans des dĂ©cors, qui mĂŞme si ils tentent de ressembler Ă  la Roumanie de dĂ©cembre 1989, ne sont que des copies infidèlement fidèles. Par le dispositif du split-screen, les images (re)faites de Botea sont Ă  la marge tangente des images tĂ©lĂ©visĂ©es roumaines. Ce pas de cĂ´tĂ© dans le territoire de la mĂ©moire, rejouĂ©e sur une partition d’Ă©tat qui devient partition rĂ©volutionnaire, est bien, si l’on est genettien, une nouvelle oeuvre. Que l’on prenne un instant le parti de Goodman, alors l’usage d’une syntaxe visuelle identique si l’on peut dire, fait que la rĂ©volution roumaine et la re-rĂ©volution Botea ne sont qu’une et seule mĂŞme chose.

Time Photo scenes from the Mubarak Trial

Time Photo scenes from the Mubarak Trial

Pourtant comme le souligne Inke Arns, le fait que les jeunes acteurs amĂ©ricains aient Ă  jouer du mimĂ©tisme jusqu’Ă  parler une langue, le roumain, qu’ils ne maĂ®trisent pas, montrent que la syntaxe, le langage mĂŞme de cette rĂ©volution n’est pas Ă  l’identique. Le refaire, la re-vision peut alors ĂŞtre comprise comme une sorte de mĂ©tamorphose intangible oĂą les questions douloureuses de l’amnĂ©sie, de l’histoire officielle, de l’instant et des Ă©vidences font surface.

Ces questions, et d’autres sans doute, sont en jeu dans le procès Moubarak qui vient d’ĂŞtre reportĂ© au 15 AoĂ»t 2011. Si le printemps arabe peut avoir Ă©tĂ© parfois comparĂ© Ă  l’hiver des satellites soviĂ©tiques (8), la rĂ©volution Ă©gyptienne n’est pas la rĂ©volution roumaine. Elles se ressemblent possiblement comme peuvent se ressembler la vidĂ©o d’Irina Botea et les rushes tĂ©lĂ©visĂ©s qu’elle rejoue. Un Ă©cart les sĂ©pare pourtant, creusĂ©, entre autres, par le genre d’images prĂ©sentant cette rĂ©volte devenue rĂ©volution, symptomatiques des changements techniques ayant eut lieu au cours des dernières dĂ©cennies. Des images de tĂ©lĂ©phones portables, des commentaires et Ă©changes sur les rĂ©seaux sociaux, le dit et le vu combinĂ©s pour donner l’aperçu non-officiel mais Ă©vident d’un changement de rĂ©gime, d’une libĂ©ration rĂŞvĂ©e, d’un rĂ©el saisi.

Jusqu’Ă  cette conclusion sous forme de procès live diffusĂ© sur le rĂ©seau de l’ancienne tĂ©lĂ©vision d’État: re-vision inattendue de la propre histoire roumaine qui utilisait les outils et mĂ©thodes de l’ancien rĂ©gime pour retransmettre l’ersatz de procès des Ă©poux Ceaucescu, parodie en catimini de 55 minutes et simulacre certainement montĂ© a posteriori.
Ă€ cette diffĂ©rence près que le procès de Moubarak est littĂ©ralement une archive se jouant Ă  ciel ouvert. L’Ă©cran gĂ©ant, qui permet Ă  la foule n’ayant pu se serrer dans la salle de justice de pouvoir vivre les dĂ©bats en direct, cet Ă©cran gĂ©ant extĂ©rieur est une partie du split-screen, l’espace dĂ©tachĂ© et public de l’autre, sa copie intime et originale qui se joue dans le contexte d’un théâtre fabriquĂ©, avec ses acteurs consentants (oĂą on ne manquera pas les comparaisons sottes avec le blanc virginal des tenues des prisonniers, victimes potentiellement expiatoires d’une histoire achevĂ©e).

via Aljazeera.net

via Aljazeera.net

Ce grand Ă©cran, espace cinĂ©matographique oĂą se jouent les images d’un dedans invisible Ă  la plupart, use du mĂŞme principe que le dispositif de Botea. Se tĂ©lĂ©scopent lĂ , non pas deux temps distincts, mais deux instants. Semblables par le jeu de la multi-diffusion. DiffĂ©rents par leur lieu. L’un de la fabrication. L’autre de la rĂ©ception. Celui d’une l’histoire immĂ©diate se tissant dans les Ă©changes propres au dispositif du tribunal. Et celui de la mĂ©moire, palpable dans la foule hĂ©tĂ©roclite oĂą se mĂ©langent les pro et anti Moubarak, comme deux vagues de souvenirs proches et lointains donnant une corporalitĂ© diffĂ©rente au flux des images.

Une en particulier peut incarner cette notion Ă  la fois de re-vision et de remake d’un mythe en train de prendre vie. Celle du RaĂŻs, allongĂ© sur sa civière, et qui est un des extraits pris par la presse Ă  ce flot continu et en direct du procès d’Hosni Moubarak. Une image qui en rejoue d’autres, propres Ă  d’autres mythes. Évidemment au jeu naĂŻf des ressemblances formelles, comment ne pas ĂŞtre saisi par le mimĂ©tisme de cette image avec celles des exhibitions respectives des corps de Jesse James et d’Ernesto Guevara? L’un a les yeux encore ouverts, l’autre semble dormir paisiblement. Le prĂ©sent des prises de vue se tĂ©lĂ©scope avec la projection d’un ça a Ă©tĂ© (il a vĂ©cu, il est mort), ce que Barthes signifiait dans la Chambre Claire (9) en prĂ©sentant le portrait de Lewis Payne et en parlant de la photographie comme dĂ©crivant la mort au futur: il est mort et il va mourir. La mĂ©moire se fabrique Ă  l’instant mĂŞme de la prise de vue.

Alexander Gardner, Lewis Payne awaiting death by hanging at the Washington Navy Yard, 1865

Hosni Mubarak trial

Jesse James dead in coffin with 4 men standing by (c.1882) via encore-editions

Alborta's post mortem photograph of Che Guevara (1967)

photographie post-mortem victorienne (via deedolife) «Avec la photographie post mortem, les familles du 19e siècle cherchaient surtout à conserver le souvenir du défunt.»

DĂ©crivant le travail de Barthes et la «prĂ©sence persistante» d’Ă€ la recherche du temps perdu dans les Ă©crits du sĂ©miologue, Kathrin Yacavone (10) Ă©voque le travail de mĂ©moire involontaire chez Proust, ces «moments Ă©piphaniques» qui permettent de faire revenir le passĂ©, et l’oppose Ă  la volontĂ© de perception du passĂ© vivace chez Barthes. L’appareil photographique permettant ainsi de «montrer» ce passĂ©, lĂ  oĂą Proust n’en a que des images mentales. La photographie est, selon l’interprĂ©tation yacanovienne de Barthes, le contraire de la mĂ©moire. Elle ne remĂ©more pas le passĂ© car, pour Barthes, l’image photographique est trop «pleine, bondĂ©e: pas de place, on ne peut rien n’y ajouter». Elle atteste simplement que cela a Ă©tĂ© et par ce statut de rĂ©fĂ©rent, devient le moyen de prouver le passĂ© mais pas de le faire revenir.

La photographie se pense alors pour Barthes comme un «contre-souvenir». La mĂ©moire garde vivant, tout comme Irina Botea se souvenant des Ă©vènements roumains et les faisant rejouer Ă  l’identique d’après les traces tangibles de la rĂ©volution, saisies par les outils mĂŞmes de sa fabrication. La photographie ne fait pas revivre mais prouve simplement que les choses ont eu lieu. En mettant cĂ´te-Ă -cĂ´te, dans son dispositif, deux types de la mĂŞme preuve, Boeta tente peut-ĂŞtre de faire coexister une contre-mĂ©moire avec une mĂ©moire (notre espace mental), un contre-souvenir (les images de la tĂ©lĂ©vision roumaine) avec un souvenir…

Il est peut ĂŞtre encore trop tĂ´t pour deviner les conclusions d’un procès Ă©gyptien de la corruption d’un rĂ©gime Ă©tranglĂ© par la rue. Pourtant revenons Ă  cette image rapidement figĂ©e, sur cet immense Ă©cran extĂ©rieur, comme flottant au-dessus de l’ancienne Ă©cole de police, de cet homme alitĂ©, cette image qui pourrait faire penser aux extraordinaires peintures murales des martyrs de la rĂ©volution iranienne et renvoyer aux images post-mortem victoriennes. Cette image est pour le moment celle d’un homme vivant. Mais pourtant ce qu’il incarne est dĂ©jĂ  mort. C’est l’image d’un souvenir dont ne pourront naĂ®tre ,dans l’immĂ©diat, que des ressemblances possibles ou des avertissements tragiques. Des Ă©vidences et non des mĂ©moires.

Egypte: le procès d'Hosni Moubarak, dans la cage des accusés, extrait de la vidéo YT de France 24

Egypte: le procès d'Hosni Moubarak, dans la cage des accusés, extrait de la vidéo YT de France 24

Tout le dispositif du procès tend intuitivement vers cette memoria damnata chère aux Romains. On montre pour mieux effacer et oublier. Et si les tĂ©lĂ©visions mondiales gĂ©nèrent de curieux palimpsestes visuels oĂą se tĂ©lĂ©scopent cette fois l’image et son commentaire, c’est bien d’effacement dont il est question. Derrière les barreaux de sa cage, le spectre du RaĂŻs s’efface par le jeu graphique du grillage sensĂ© le protĂ©ger et le damner au prĂ©sent. Si on pousse nĂ©anmoins la ressemblance jusqu’au bout, sa fin sera-t-elle calquĂ©e sur celle des Ceaucescu, ou aura-t-on appris, un peu, de l’histoire, prouvant peut-ĂŞtre que celle-ci ne peut jamais vraiment se rĂ©pĂ©ter, simplement se rejouer, se re-visionner.

Question sans doute naĂŻve puisque l’histoire n’est possiblement faite que de ces collisions entre passĂ© et prĂ©sent, que les images nĂ©es ou revues au coeur de ces chocs sont elle-mĂŞmes des images mĂ©diatrices qui offrent, ici, ce dialogue cĂ´te-Ă -cĂ´te signifiĂ© par le split-screen ou l’Ă©cran gĂ©ant. Le cĂ´te-Ă -cĂ´te ne devant plus ĂŞtre perçu comme le miroir de l’identique refait, mais, au contraire, comme la figure mĂŞme du frottement. La collision peut effectivement ĂŞtre ce choc violent qui dĂ©chire, ou Ă  l’inverse qui laisse des empreintes sur les deux surfaces entrĂ©es en collision. Pour Didi-Huberman, «lorsque Benjamin parle de l’image dialectique comme d’un processus oĂą « le passĂ© [se voit] tĂ©lescopĂ© par le prĂ©sent » (Telescopage der Vergangenheit durch die Gegenwart), il n’utilise certainement pas le mot tĂ©lescopage, l’un de ses mots favoris, sans la conscience aiguĂ« du double paradigme qui s’y trouve ramassĂ©: d’un cĂ´tĂ©, la valeur de choc, de violence, d’emboutissage ­ catastrophique ou sexuel ­, bref, la valeur de dĂ©montage que subit, Ă  ce moment, l’ordre des choses; d’un autre cĂ´tĂ©, la valeur de visibilitĂ©, de connaissance, d’Ă©loignement, bref, la valeur de montage dont bĂ©nĂ©ficient, grâce au tĂ©lescope, la vision de près et la vision lointaine.» (11)

Encore une fois se met bien en place ce choc frontal de deux temporalitĂ©s quasi-identiques soulignĂ© par le projet de Botea, et par le mimĂ©tisme curieux de deux rĂ©volutions Ă©loignĂ©es dans l’espace et le temps. Un choc comme interprĂ©tation Ă  distance des Ă©vĂ©nements. Une distance qui devient proximitĂ© par le jeu mĂŞme de la ressemblance, mais qui, par l’Ă©loignement entendu de la re-vision, devient celle de la critique possible.
La dĂ©faite des images serait alors plus proche de ce dĂ©faire qu’il faudrait comprendre comme l’action de dĂ©nouer, de dĂ©gager, bref de dĂ©barasser pour mieux re-visionner.


Notes

  • (1) Jeremy Hamers, De la Selbstverständlichkeit dans Videogramme einer Revolution de Harun Farocki et Andrei Ujica. Le regardĂ©, le visible et le vu, Methis, vol.1, 2008
  • (2) Kenny McBride, Eastern European Time-Based Art Practices Contextualised Within the Communist Project of Emergence and Post-Communist Disintegration and Transition, 2009
  • (3) Jane Marie Law, Introduction: Cultural Memory, the Past and the Static of the Present, 2007
  • (4) Rainer Maria Rilke, Les cahiers de Malte Laurids Brigge, Gallimard, 1991
  • (5) Inke Arns, Handout, History Will Repeat Itself, HMKV at Phoenix Halle Dortmund, 2007
  • (6) et (7) Nancy Murzilli, L’identitĂ© des oeuvres entre le texte et la rĂ©ception, (lien)
  • (8) RĂ©alitĂ©s Online, 22 juin 2011
  • (9) Roland Barthes, La Chambre Claire: notes sur la photographie, Gallimard, 1980
  • (10) Kathrin Yacanove, Barthes et Proust: La Recherche comme aventure photographique, Fabula L.H.T., 2008
  • (11) Georges Didi-Huberman , « Connaissance par le kaleidoscope », Études photographiques, 7, Mai 2000 (consultĂ© le 4 AoĂ»t 2011)

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