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Abbott Miller, Brno Echo, 2008

Le 11 septembre 2009 Ă  22:31, catherine guiral a Ă©crit :
 

Si j’essaye de synthĂ©tiser voir de sublimer ces Ă©changes pongistiques je serais tentĂ©e d’utiliser un raccourci heureux (ou malheureux) sous forme de question : existe-t-il un style fonctionnaliste ?

ImmĂ©diatement ce point d’interrogation, qui pourrait encore se faire autre point d’ironie, fait surgir deux pistes : l’une certes philosophique, l’autre plus historique et dĂ©jĂ  empruntĂ©e au cours de ces Ă©changes et qui s’agrĂ©mentera d’un bonus-track ping pour le plaisir comme dirait l’ami Herbert.
 

La premiĂšre piste empruntĂ©e serait celle de prendre le mot ‘fonctionnaliste’ comme un adjectif et de le faire se frotter Ă  la philosophie, “point singulier oĂč le concept et la crĂ©ation se rapportent l’un Ă  l’autre” (G. Deleuze, Qu’est-ce que la philosophie ?).

La philosophie a eu maille Ă  partir avec la notion de fonctionnalisme qui considĂšre l’esprit comme une machine et s’inscrit dans le territoire des recherches en intelligence artificielle. Le fonctionnalisme est alors dĂ©fini comme une thĂ©orie qui dĂ©crit l’esprit en terme de relation causale. Serait donc fonctionnaliste ce qui dĂ©finit et est rĂ©gi par le principe de cause Ă  effet.

Dans son article, Through a Spinozist Lens : Ethology, Difference, Power sur le travail philosophique de Gilles Deleuze (1), Moira Gatens intitule un de ses paragraphes ‘Form and Function’ et fait rĂ©fĂ©rence Ă  Michel Foucault qui, dans Les Mots et Les Choses, spĂ©cule que les sciences humaines peuvent ĂȘtre dĂ©crites par une triple relation Ă  la biologie, l’économie et la philologie (i.e. le savoir spĂ©culatif du trio vie, production et langage). Pour Gatens, une telle spĂ©culation, en particulier dans le champ de la biologie, produit un savoir sur l’ĂȘtre humain qui se base Ă  la fois sur les normes et les fonctions. Toute forme possĂšde donc une fonction (2). Poussons volontairement le bouchon et imaginons que si un style est fonctionnaliste alors cela signifierait qu’il ‘fonctionne’. Un style aurait alors logiquement une fonction ‘causale’. Planche savonneuse me direz-vous, certainement, mais si on s’appuie sur les fondamentaux durkheimiens, alors la fonction devient principe explicatif et un style possĂ©derait bien les moyens (formels ?) de faire comprendre sa propre mĂ©canique (3). De cette maniĂšre il ne serait, ou ne pourrait, jamais ĂȘtre totalement invisible. La contradiction flagrante entre un fonctionnalisme nĂ© des prĂ©occupations lĂ©gitimes soulignĂ©es dans nos ping et pong se heurte alors Ă  celle de la visibilitĂ© propre au style, mĂȘme le plus neutre.

Autres expositions, Brno 2008

Autres expositions, Brno 2008, Jiri Rathousky, 1968

Autres expositions, Brno 2008

Autres expositions, Brno 2008

On reconnaĂźt le style nĂ©erlandais, on peut dĂ©finir le style postmoderne, on sait la maniĂšre grapusienne, etc. Le simple fait d’énoncer la phrase prĂ©cĂ©dente souligne l’importance du rapport entre le style, la maniĂšre, et sa fonction notamment celle de reconnaissance. Le style peut, par exemple, dĂ©finir une Ă©poque et la dĂ©crire (par contradiction ou par mimĂ©tisme) mais ne serait-ce pas lĂ  ouvrir la trappe judicieuse dans laquelle tombent certains qui est finalement d’oublier le fonctionnement d’un style pour ne s’intĂ©resser qu’à sa forme, sa surface.

Imaginons encore qu’au contraire de ce que clamait Sullivan, la forme ne suive pas la fonction (4), mais qu’elle soit la fonction mĂȘme, historiante ou pas, contextuelle ou non.
Je me rappelle ici de la lecture d’un cours de Gilles Deleuze de janvier 1972 (5) oĂč il parle de l’inconscient comme d’une machine dĂ©sirante. Cette mĂ©taphore du dĂ©sir vu comme une usine souligne la proposition bien connue : “le dĂ©sir est machine” et dĂšs lors le dĂ©sir est fonction. Si j’Ă©tends cette donnĂ©e au cadre Ă©largi de nos ping et pong, c’est surtout une machine qui ne pose pas la question du pourquoi, mais du comment ça marche. Cette question-lĂ  est justement celle du fonctionnalisme et de l’anti-fonctionnalisme. Et comme dit Thierry, “si le dĂ©sir est la vĂ©ritable fonction, la vĂ©ritable causalitĂ© des langages et de leurs genres, c’est-Ă -dire liens de parentĂ©s, familles et qu’on peut appeler styles, ce Ă  quoi je souscris Ă©videmment avec entrain, le fonctionnalisme a aussi un pourquoi
”

ConnectĂ©e Ă  celle du style (qui peut hypothĂ©tiquement ĂȘtre vu comme une forme dĂ©sirante (6)) et de la fonction, la question du comment ça fonctionne soulĂšve les arguments citĂ©s par Deleuze, “[…] jamais la fonction ou jamais l’usage de quelque chose n’explique la production de cette chose, par exemple jamais la maniĂšre dont un organisme fonctionne n’a pu expliquer le mode de production de l’organisme ou jamais le fonctionnement d’une institution n’a pu expliquer la formation de l’institution mĂȘme.” (7).
 

Cet argument deleuzien de l’anti-fonctionnalisme n’est pourtant valable que dans le rĂ©gime molaire (les grandes machines sociales oĂč “l’usage est toujours second par rapport Ă  la formation” (8)). Dans le rĂ©gime molĂ©culaire (les micro-machines, le lieu de synthĂšse du dĂ©sir), il n’y a pas de diffĂ©rence possible entre la formation et le fonctionnement. Il n’est donc que question du comment ça marche. Et le comment explique Ă  la fois la fonction et la formation. J’entends bien sĂ»r, ici, formation dans son sens premier d’élaboration. La forme pouvant elle aussi ĂȘtre conçue comme une Ă©laboration, le syllogisme est donc permis qui veut que si la formation est une Ă©laboration alors la forme est formation.

Et si la forme est donc la fonction et bien, sans doute, la forme peut ĂȘtre vue comme une ‘machine’ qui produit sans cesse. Un mĂ©canisme se met en place dont il est forcĂ©ment intĂ©ressant de comprendre le comment qui le dĂ©finit et ce qu’il produit.
Pour Deleuze chaque forme de perception renvoie Ă  un plan de fonctionnement (9) et “chaque forme perceptive renvoie Ă  une figure d’agencement structural” (10). Le style qui porte la forme est en sorte un nouvel outil de comprĂ©hension de celle-ci et non plus une coquille parfois vide voire un crime. Nous pouvions nous en douter et avoir donc cette intuition de l’objectivitĂ©, ou en tout cas de l’intĂ©rĂȘt, de l’adjectif ‘fonctionnaliste’: Form is Function. Style is Function. Peut-ĂȘtre…
 

La deuxiĂšme piste, elle, oublie le qualificatif ‘fonctionnaliste’ et s’intĂ©resse plutĂŽt Ă  l’histoire des allers/retours du fonctionnalisme en graphisme. Je n’y reviendrai pas, Thierry et Vivien l’ont prĂ©sentĂ© admirablement. Cette histoire se dessine aux travers de la naissance et des usages du fonctionnalisme et il y a finalement et encore quelque chose de trĂšs Hobbesien dans le fonctionnalisme : si la forme est ronde c’est parce qu’elle doit rouler. Ce principe de causalitĂ© est visible dans les divers processus mis en place, je pense particuliĂšrement Ă  l’exemple donnĂ© par Thierry sur le travail de Mevis + Van Deursen sur le catalogue Der Larsen Effekt. Cette exposition Ă©ponyme de 2002 au Casino Luxembourg prĂ©sentait les processus de rĂ©sonances dans l’art contemporain. Des rĂ©sonances qui vont de l’amplification au parasitage et qui semblent ĂȘtre au cƓur du procĂ©dĂ© graphique pensĂ© par les deux graphistes hollandais pour le catalogue. D’une certaine maniĂšre c’est effectivement le process, comme dirait Renaud, qui compte plus que la forme finale elle-mĂȘme qui n’est plus que la consĂ©quence du protocole mis en place.
Il est trĂšs heureux (j’aime aussi les coĂŻncidences !) dans ce dĂ©bat ping-pong qu’Armand Mevis et Linda van Deursen, les pĂšres de la nouvelle gĂ©nĂ©ration graphique hollandaise, soient Ă©galement Ă  l’origine du design d’une revue intitulĂ©e If/Then (11). Laissons de cĂŽtĂ© le graphisme intelligent de ce magazine-livre pour mieux rĂ©-entendre son titre. C’est ici la notion mĂȘme de condition qui entre en jeu : si/donc. Quoi de plus causal en effet que cette structure conditionnelle ; et si j’osais rebondir sur Hobbes, alors Ă©ventuellement la notion de causalitĂ© appliquĂ©e au champ du graphisme ferait du if/then une des nouvelles origines possibles du fonctionnalisme.
 

C’est lĂ  qu’entre en scĂšne le bonus-track Ă©voquĂ© en prĂ©ambule. Cette piste empirique, en forme de conclusion Ă  ce ping, propose de se concentrer sur le verbe ‘exister’ de sa question initiale. Car enfin si ce style fonctionnaliste existe, c’est bien qu’il n’est pas une de ces formes surgies ex-nihilo. À moins que le ex-nihilo en question soit effectivement ce bain du vide, du rien pas pĂ©joratif (le vide crĂ©ateur !), du transparent revendiquĂ© par Beatrice Warde et par les tenants d’une neutralitĂ© tangible Ă  la “crystal goblet” (12) qui fait immanquablement repenser Ă  l’illustre mĂ©taphore de Stendhal sur le “vernis transparent” (13).
NĂ©o, RĂ©tro, Alter, Post, difficile donc de classer la tendance actuelle qui fait re-exister et ressort de la naphtaline le spectre du fonctionnalisme tendance Style International. Comme le stridulerait mon chanteur prĂ©fĂ©rĂ© Alain Chamfort, “c’est le grand retour du has-been super” (14). Un has-been un peu zombie qui reviendrait des limbes de la neutralitĂ© et qui rĂ©-imposerait sa loi du dĂ©pouillement et de la simplicitĂ©. Une loi infiniment proche de la pensĂ©e attribuĂ©e Ă  Saint-ExupĂ©ry qui voulait que “la perfection [soit] atteinte, non quand il ne reste rien Ă  ajouter, mais quand il ne reste rien Ă  enlever”. En somme un radicalisme au service de l’idĂ©e de clartĂ© de la communication et qui a fait sien le principe de Louis Sullivan sur le rapport d’allĂ©geance de la forme Ă  la fonction.

iPod Shuffle

Cube décodeur Canal Plus

Il n’a pourtant pas fallu attendre longtemps pour reprendre le pouls du fonctionnalisme, du moins en design, et le (re)dĂ©clarer moribond. L’article paru dans le New York Times de l’ancienne directrice du Design Museum —et papesse adoubĂ©e de la colonne critic design de l’International Herald Tribune—, Alice Rawsthorn (15), mettait derniĂšrement Ă  mal le clichĂ© sullivanien (hĂ©las trop souvent attribuĂ© Ă  d’autres figures cĂ©lĂšbres du modernisme). Pour Rawsthorn, les nouvelles technologies ont permis d’étendre le champ des possibles et une simple objet englobe maintenant plus de fonctionnalitĂ©s qu’on pourrait se l’imaginer en se polarisant uniquement sur sa forme. Prenant l’exemple du iPod Shuffle, Alice Rawsthorn se pose la question de savoir comment deviner la fonction d’une si petite et fine boĂźte de mĂ©tal brossĂ© et surtout comment comprendre sa mĂ©canique. À la belle Ă©poque de la forme suit la fonction il y avait une Ă©vidence de l’usage des objets qui n’existe plus maintenant. Rawsthorn explique que, “la dislocation de la forme et de la fonction impose un nouveau challenge aux designers : nous aider Ă  comprendre les interfaces de plus en plus complexes qui les opĂšrent” (16).

Abbott Miller, Brno Echo, 2008

Abbott Miller, Brno Echo, 2008

Abbott Miller, Brno Echo, 2008

L’article se poursuit sur l’analyse de l’évolution de ce que l’on appelle l’U.I. ou “user interface” (interface utilisateur). Les travaux de John Maeda Ă  la Rhode Island School of Design (R.I.S.D) innovent en Ă©cartant des labos de recherches le diktat de la simplicitĂ©. Ses Ă©tudiants se penchent sur des approches plus intuitives et font appel Ă  ce que le jargon nomme des human interaction systems (systĂšmes humains d’interaction). L’homme devient donc la forme fonctionnelle et/ou fonctionnante qui fait rĂ©agir tout le systĂšme par ses propres dĂ©sirs, ce qui, vous en conviendrez, n’aurait pas dĂ©plu Ă  Deleuze et Guattari.

Serait-ce donc la fin dĂ©finitive de la renaissance de notre zombie ? Peut-ĂȘtre pas. Car ces objets-intelligents restent formellement aliĂ©nĂ©s Ă  la simplicitĂ©-neutre (on perd tout de mĂȘme la notion indispensable de transparence). Prenons un exemple bien français. Le Cube de Canal Plus, dĂ©codeur qui nous promet que nous ne verrons plus la tĂ©lĂ©vision comme avant. Nous rappelerons au passage que c’est Étienne Robial qui a participĂ© au travail d’identitĂ© visuelle de la maison cryptĂ©e, reconnaissable par ses formes basiques finalement proches d’une simplicitĂ©-style suisse assez antinomique, ironiquement, avec le contenu des programmes de la chaĂźne. Bref, ce monolithe cubique qui fait penser Ă  une brique de LegoÂź, embarque une technologie infernale et inimaginable malgrĂ© le trĂšs beau teaser Ă  la Apple. Qui pourrait se douter que le Cube Canal nous permet de pousser plus loin les limites du temps et de l’espace en nous donnant accĂšs Ă  des programmes non encore diffusĂ©s sur le rĂ©seau hertzien voire de pouvoir frigorifier le temps et revenir en arriĂšre en visionnage direct. C’est l’écrasement total du temps et de l’espace, intangible si l’on s’en tient Ă  l’aspect de ce cube blanc, banal et archi-simple pixel en 3D.

Abbott Miller, Brno Echo, 2008

Abbott Miller, Brno Echo, 2008

L’épure donc qu’Adolf Loos appelait de ses vƓux dans son essai Ornement et Crime (1908) redonne de la vigueur au fonctionnalisme. À tel point que la rĂ©cente Biennal of Graphic Design de Brno (2008) (17), sous le commissariat d’Abbott Miller, prend mĂȘme le manifeste de l’architecte autrichien comme point de dĂ©part conceptuel d’un Ă©change en forme d’échos entre modernisme et ornement, entre modernisme et style (18). Il y est question de l’usage formel des rayures pour en venir Ă  une sorte de confrontation des objets et des formes qui pourraient ĂȘtre acceptablement qualifiĂ©s de modernes Ă  travers les pĂ©riodes culturo-historiques.

Il n’est donc pas innocent de remarquer Ă  quel point le fonctionnalisme, nĂ© en parallĂšle du modernisme, semble plaire Ă  nouveau aprĂšs des annĂ©es de gloire postmoderne. Et c’est Ă  un vĂ©ritable hold-up (19) des formes de ce style que nous assistons aujourd’hui. À cette diffĂ©rence prĂȘt, je pense, que la surface de ce hold-up formel, comme les objets dĂ©crits par Hawsthorn, cache autant qu’elle rĂ©vĂšle.

Daniel van der Velden, White Flag Discourse, logotype croix rouge

Ce visible dans l’invisible rĂ©-esquisse aussi l’idĂ©e du si/donc comme origine possible de ce style dont l’école conceptuelle hollandaise semble ĂȘtre actuellement la tenante. Il suffit de relire le texte de la confĂ©rence de Daniel van der Velden, White Flag Discourse on Neutrality (2004, Viper Conference, BĂąle) dans le temple de la pensĂ©e formelle suisse, pour saisir la fausse tendance (et le danger ?) Ă  vouloir rester neutre par principe ou par commandement (20). Le style fonctionnaliste ne serait donc que de façade et rĂ©vĂ©lerait, en mettant plus l’accent sur le processus, son intĂ©rĂȘt pour les idĂ©es et les concepts descendant en ligne droite, parfois oblique, des manifestes et autres passions des artistes des 60-70s. Les graphistes de cette mouvance sont Ă  la recherche de systĂšmes de fonctionnement comme moyens de rĂ©flexion et mĂ©thodes crĂ©atrices. Et un systĂšme n’a certainement pas besoin d’une carapace formelle ultra-Ă©laborĂ©e. Au contraire, une fois trouvĂ© le genre de fonctionnement (la fameuse commande If), il s’agit de le nourrir avec les donnĂ©es nĂ©cessaires ou imposĂ©es et laisser agir la catalyse pour apprĂ©hender une forme inattendue (le Then).

En cela le fonctionnalisme actuel s’éloigne de son ancĂȘtre zombie et arpente sans doute, de nouvelles aires de jeu si tant est que le jeu soit la manifestation du fameux If/Then/Play (21). Et de nouvelles interfaces de se mettre en place. Quelles peuvent ĂȘtre alors les nouvelles fonctions de ce fonctionnalisme 2.0 ? That is the new question pong…

John Maeda, Simplicity, logotypes pixel


Notes

  • (1) Gatens, Moira, ‘Through a Spinozist Lens: Etholoy, Difference, Power’ in Deleuze: a Critical Reader, ed.Paul Patton, Blackwell Publishers, 1996, Londres
  • (2) Foucault explique dans Les Mots et Les Choses (citĂ© par Gatens et traduit ici par l’auteur) que : “en se projetant dans le champ de la biologie […] l’homme apparait comme un ĂȘtre possĂ©dant des fonctions — recevant des stimuli (physiologiques mais aussi sociaux, interhumains et culturels), y rĂ©agissant, s’y adaptant lui-mĂȘme, Ă©voluant, se soumettant aux demandes d’un environnement. […] en bref, un ĂȘtre ayant des conditions d’existence et la possibilitĂ© de trouver des normes moyennes d’ajustement lui permettant de performer ses fonctions”.
  • (3)
    Émile Durkheim Ă©voque la fonction comme principe dans son livre de 1912 sur les Formes ÉlĂ©mentaires de la vie religieuse : Le systĂšme totĂ©mique en Australie. Il Ă©tudie notamment le systĂšme des interdits (sous sa forme du culte) et en tire des fonctions. La forme pour lui est donc principe explicatif. C’est toute l’intuition ironique de mon texte : tourner autour du mot fonction et se dire —en rapport aux textes de Thierry et de Vivien— que le fonctionnalisme, comme style, est aussi celui oĂč la transparence, l’invisibilitĂ© qui fait tant peur Ă  van der Velden, devient un visible explicatif.
  • (4) Form Ever Follows Function est la phrase exacte Ă©dictĂ©e par l’architecte amĂ©ricain Louis Sullivan en 1896 dans un article intitulĂ© ‘The Tall Office Building Artistically Considered’. Il est intĂ©ressant de la replacer dans le contexte de cet article qui Ă©rige cette observation en loi :
    “It is the pervading law of all things organic and inorganic, Of all things physical and metaphysical, Of all things human and all things super-human, Of all true manifestations of the head, Of the heart, of the soul, That the life is recognizable in its expression, That form ever follows function. This is the law.” (C’est la loi poreuse de toute chose organique et inorganique, De toute chose physique et mĂ©taphysique, De toute chose humaine et de toute chose super-humaine, De toutes les vĂ©ritable manifestations de la tĂȘte, Du cƓur, de l’ñme, Que la vie est reconnaissable dans son expression, Que la forme suit toujours la fonction. Ceci est la loi.)
  • (5) Deleuze / Anti ƒdipe et Mille Plateaux, cours Vincennes – 18/01/1972
  • (6) Je me rĂ©fĂšre ici au livre Ă©ditĂ© par Philippe Berthier et Éric Bordas, Stendhal et le Style, faisant suite au Colloque sur l’écrivain organisĂ© par la Sorbonne et paru aux Presses Sorbonne Nouvelle 2005. La quatriĂšme de couverture, Ă©loquente, explique que, “toute sa vie, Stendhal n’a cessĂ© de rĂ©flĂ©chir Ă  la dĂ©licate notion de ‘style’, pensĂ©e comme un rĂ©fĂ©rent esthĂ©tique, ou comme une rĂ©fĂ©rence critique. Lecteur, il vilipende les ouvrages Ă©crits dans un style enflĂ© et ‘chargĂ© Ă  couler de sentiments et d’images’, mais s’enthousiasme pour les Ă©critures ‘naturelles’, ‘lisses’ et ‘simples’.”
    L’EncyclopĂ©die de Diderot, elle, dĂ©finit un cadre clair en relation Ă  la notion de forme dĂ©sirante. Il en va ainsi pour l’entrĂ©e ‘style’:
    “Quand la matiĂšre dĂ©cĂšle l’auteur, quand les traits expriment la passion, quand les sons imitent le mouvement, quand les couleurs peignent la chose, quand les tours marquent le sujet, quand le ton rĂ©pond au genre, quand les termes rendent l’idĂ©e ; alors la reprĂ©sentation Ă©quivaut Ă  la rĂ©alitĂ© ; alors la distraction cesse, l’attention croĂźt, le style a toutes les qualitĂ©s nĂ©cessaires pour plaire & pour attacher.” (sv “Style” in Diderot & d’Alembert, 1751-1780, t. XV : 243).
  • (7), (8) Ibid.
  • (8) Toni Negri Ă©crit dans son article “Qu’est-ce que la philosophie, selon Deleuze et Guattari” (Multitudes, Hiver 1991) revenant sur la notion de concept chez le philosophe français que “De fait, quand la puissance singuliĂšre du concept est rĂ©duite Ă  la forme discursive de la fonction, aucune des deux ne survit, et c’est de nouveau le chaos qui rĂšgne. Quand la puissance du concept ou la forme de la fonction se trouvent subordonnĂ©es Ă  la communication, alors c’est le rapport mĂȘme Ă  l’ĂȘtre qui vole en Ă©clats. La « doxa » la plus banale, dĂ©mocratique, populaire, la conversation Ă  la Rorty, se substituent au philosophe qui plonge dans la vie et seul lui rend sa dignitĂ©.”
  • (10) Toni Negri, Ibid.
  • (11) Notons que le premier numĂ©ro de cette revue (ou boogazine !) Ă©ditĂ© par Janet Abrams en 1999, s’intĂ©ressait aux implications des nouveaux mĂ©dia et portait le titre Play.
  • (12) Beatrice Warde (1900-1969), typographe, enseignante et critique amĂ©ricaine, a travaillĂ© essentiellement en Angleterre. Son article ‘The Crystal Goblet, or Printing Should Be Invisible’ (1955) faisait le parallĂšle mĂ©taphorique entre l’usage d’une typographie ornementĂ©e, stylisĂ©e, et une autre typique de la neue Typografie. Elle compare une coupe en or, embellie du plus complexe dĂ©cor, et un verre fait simplement du cristal le plus clair, qui deviennent chacun les rĂ©ceptacles du plus fin des vins. Warde affirme que le vrai connaisseur boira forcĂ©ment Ă  la coupe transparente car elle seule peut mettre le plus en valeur le riche breuvage en s’effaçant au profit du contenu.
  • (13) MalgrĂ© sa mĂ©fiance pour les mĂ©taphores, c’est par une comparaison que Stendhal prĂ©cise son idĂ©al : “Le style doit ĂȘtre comme un vernis transparent : il ne doit pas altĂ©rer les couleurs ou les faits et pensĂ©es sur lesquels il est placĂ©â€.
  • (14) Il faut Ă©couter ce summum de chanson française, Le Grand Retour, sur l’album de Chamfort Le Plaisir (2003).
  • (15) Alice Rawsthorn, The Demise of ‘Form Follows Function’ in New York Times, 30.05.2009
  • (16) Ibid. traduction de l’auteur
  • (17) Brno Echo : Ornament and Crime from Adolf Loos to Now, 2008
  • (18) Abbott-Miller curates Designs
  • (19) mon intĂ©rĂȘt pour la musique est trĂšs Ă©loignĂ© de celui de Thierry, pourtant je ne me retiens pas de citer les paroles d’introduction du titre Hold-Up, tirĂ© de l’album Les Princes de la Ville du groupe 113 et qui remet au goĂ»t du jour l’art du postiche/pastiche :
    “Je postichĂ©, ouais je postichĂ© ! J’ai les mĂȘmes cheveux que Dalida, la barbe de Fidel Castro et un gros berreta ! La guimbardine de Columbo, les lunettes d’Elton John, et la dĂ©gaine distinguĂ©es des frĂšres Dalton”.
  • (20) Daniel van der Velden, “There is always the tendency in design to return to necessity, therefore to scarcity, the so-called ‘essence’. Often this wish is packaged as some sort of moral call for temperance, a call for designers to be ‘invisible’, ‘clear’, ‘transparent’ or ‘neutral’ […]It might be however that today’s ‘neutral’ or ‘invisible’ design is operating in the forefront of international political, cultural and military changes, in ways it couldn’t have imagined before.” (Il y a toujours la tendance en design Ă  revenir au nĂ©cessaire et donc Ă  la rarĂ©faction, la soit-disant ‘essence’. Souvent ce vƓu est considĂ©rĂ© comme une sorte d’appel moral Ă  la tempĂ©rance, un appel fait aux designers d’ĂȘtre ‘invisibles’, ‘clairs’, ‘transparents’ ou ‘neutres’ […] Il se pourrait cependant que la notion actuelle de ‘neutralité’ ou ‘d’invisibilité’ dans le design opĂšre au premier plan de changements politiques, culturels et militaires dans des directions non encore imaginĂ©es”.)
  • (21) voir note (10)

  • Notes sur images

  • Brno 1-2-3-4-5-6 / Loos_Baker
    vues de l’exposition (merci à oinoi)
    Abbott Miller a conçu l’entiĂšre exposition principale de la Biennale de Brno ainsi que le catalogue l’accompagnant. Le clou de cette exposition Ă©tant peut-ĂȘtre la maquette refaite Ă  l’identique de celle conçue par Adolf Loos pour Josephine Baker (The Baker House, 1928). Le principe de l’exposition reposait sur l’interprĂ©tation de la forme â€˜Ă©choique’ du logo de la Biennale designĂ© en 1964 par Jiri Hadlac.
  • Brno annex 1-2-3
    vues des expositions annexes Ă  Brno Echo. Un parfum de fonctionnalisme 2.0 flottait dans l’air par moments. Voir notamment le travail rĂ©cent des suisses Adam Machacek et Sebastien Bohner (Brnoannex) et celui de 1968 de Jiri Rathousky (Brnoannex1)
  • Dvdv White Flag Discourse
    durant sa confĂ©rence qu’on pourrait lire rapidement comme une critique de la neutralitĂ© (ou en tout sa perversitĂ©), Daniel van der Velden a prĂ©sentĂ© en sĂ©quence le logo de la croix-rouge (fondĂ©e en 1876 par Henri Dunant), un drapeau suisse inversĂ©, sa version ottomane pour les pays musulmans et une nouvelle version qui pourrait ĂȘtre, ironiquement, encore plus neutre (lire notamment le passage de la confĂ©rence sur l’absence du designer)
  • John Maeda Simplicity

    Le livre de John Maeda The Laws of Simplicity analyse le design en relation avec nos comportements afin d’élaborer une mĂ©thode d’apprentissage de la simplicitĂ©. La suite de logos pixels reprĂ©sentent les dix lois qui marquent l’histoire du design et questionnent nos nouveaux environnements cybernĂ©tiques (de haut en bas et de droite Ă  gauche : RĂ©duction – Organisation – Temps – Apprentissage – DiffĂ©rence – Contexte – Émotion – Confiance – Échec – Loi cardinale (merci Ă  Antoine et Juliette, plus d’infos sur le blog de Maeda).

Beauregard