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Babel on Demand

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CĂ©lestin Krier et Kevin Gotkovsky, Castor & Pollux & Castor & Pollux, Blurb on demand

Les bouleversements des métiers du livre ne cessent de se succéder en même temps que les évolutions technologiques et les discours de la rupture célébrant ou déplorant la fin programmée par le séisme numérique (1) de la graphosphère lettrée (2) de la galaxie Gutenberg (3).
 

Dès les années 50, les Lumitypes engageaient une mécanisation binaire de la composition des caractères jusque là réservée au composteur de l’artisan typographe, tandis que le paléo-ordinateur Manchester Mark I rentrait déjà en fonctionnement à l’université du même nom. Rudolf Hell ne tardait pas à mener des expériences de mise en page assistée par ordinateur dès les années 60, et les années 80 voyaient l’accélération du phénomène de la typographie numérique plus ou moins de salon avec la Production Assistée par Ordinateur et le langage de description de page PostScript mis au point par la société Adobe, héritière de ce même vivier du Xerox Parc qui avait déjà défini le paradigme de l’interface de bureau profond et manipulable.

Enfin les années 2000, avec la révolution du « réseau des réseaux » internet de l’accès à l’information, d’une certaine économie de la contribution et de l’idée d’une inter-connexion à la fois mondialisée et centrée sur chaque individu, assuraient la promotion d’une nouvelle pratique de l’écriture des flux, pas forcément dédiée, toujours inscrite graphiquement et éditée sur la nouvelle place publique numérique à l’attention du plus grand nombre.

CĂ©lestin Krier et Kevin Gotkovsky, Castor & Pollux & Castor & Pollux, Blurb on demand

CĂ©lestin Krier et Kevin Gotkovsky, Castor & Pollux & Castor & Pollux, Blurb on demand

Toute une économie chiffrée du graphème, du glyphe et des caractères.

Toute une promesse de dynamisation du programme d’émancipation et de civilisation comme poursuite du projet Gutenberg de diffusion de la pensée et de l’écrit, entre les dangers monopolistiques intéressés et les largesses contributives des programmes de numérisation massive / impresssion à la demande. Google Books, Espresso Book Machine, Bibliothèque numérique européenne, Bibliothèque numérique francophone, Open Library, bibliothèque en ligne Gallica… Tout un fantasme de complétude du savoir écrit, de bibliothèque absolue. Bibliothèque de Babel, livre de sable (4).

Toute une influence plus ou moins diffuse qui s’insinue dans les champs de la pensée et de la création, entre logique du calcul et du flux, figure de l’information, du programme, de la réflexivité et de la constellation associative.

CĂ©lestin Krier et Kevin Gotkovsky, Castor & Pollux & Castor & Pollux, Blurb on demand

CĂ©lestin Krier et Kevin Gotkovsky, Castor & Pollux & Castor & Pollux, Blurb on demand

Toute une promesse d’invention, entre générativité et interactivité profitant des puissances de calcul de la machine et de l’accélération des circulations et des diffusion du savoir. Tous les projets de generative typography mais aussi le travail d’écriture « infinie » de Jean Pierre Balpe (5).

Toute une remise en cause de la chaîne graphique et des métiers du livre souvent fragilisés et soumis, pour le meilleur et pour le pire, à la démocratisation des technologies et à la compression de personnels obligés à de plus en plus de polyvalence. Contraints à une reconversion numérique qu’avaient déjà connu les industries de la musique et du cinématographe (4). La recherche de nouveaux modèles de fonctionnements susceptibles de tirer parti des nouvelles possibilités et de la nouvelle morale des logiques de flux numériques tout en permettant des modèles économiques viables (6).
 

La très belle 23e édition du Festival International de l’affiche et du graphisme de Chaumont vient, sous l’impulsion d’Étienne Hervy et d’Émilie Lamy, de rendre hommage au phénomène de l’édition en ligne. Le Manifeste Babel on demand vient saluer cette conversion du mode de circulation et de production du livre qui voit Le vieux codex qu’on a dit exsangue, précisément mis à terre par la révolution de l’accès et l’économie de la contribution promue par le numérique et la toile pouvoir connaître paradoxalement, grâce à eux, une seconde jeunesse. Prolongeant l’économie du flux tendu dans se retranchements d’une édition à la demande qui correspond à cette focalisation de l’internet 2.0 sur les petites idiosyncrasies de tout un chacun, Blurb ou Lulu proposent des livres à l’unité à prix abordable. Et voilà que le festival propose à 41 graphistes, en solo ou en groupe de proposer une édition distribuée chez Blurb pour une bibliothèque idéale et temporaire.

CĂ©lestin Krier et Kevin Gotkovsky, Castor & Pollux & Castor & Pollux, Blurb on demand

CĂ©lestin Krier et Kevin Gotkovsky, Castor & Pollux & Castor & Pollux, Blurb on demand

CĂ©lestin Krier et Kevin Gotkovsky, Castor & Pollux & Castor & Pollux, Blurb on demand


Notes

  • 1_ « On sait que la mutation est d’équivalence Ă  celle de Gutenberg, et que les mutations intermĂ©diaires (la presse et le feuilleton, le livre de poche) n’ont pas le degrĂ© sismique de celle-ci, qui nous rejoint. On sait seulement que pas le choix : la configuration qui en rĂ©sultera on ne la connaĂ®t pas, mais rester en deçà, ne pas accepter le saisissement, serait plus dangereux encore. Â» François Bon, « Si la littĂ©rature peut mordre encore Â», TiersLivre.net, 2006-2011, http://www.tierslivre.net/spip/spip.php?article519
  • 2_ RĂ©gis Debray, « Les trois âges du regard Â», Vie et mort de l’image, Gallimard, 1992
  • 3_ Marshall McLuhan, La galaxie Gutenberg, la genèse de l’homme typographique (1962), Gallimard 1977, tomes 1 & 2 collection idĂ©es.
  • 4_ Jose Luis Borges, « La bibliothèque de Babel Â» in Fictions, (1944), Gallimard, 2003, Le livre de Sable, (1975), Gallimard, 1983.
  • 5_ « La plupart des fictions interactives se dĂ©finissent ainsi comme des choix, plus ou moins locaux et plus ou moins ouverts au lecteur, dans un espace oĂą un nombre plus ou moins grands d’évĂ©nements sont, en termes de rĂ©cit, prĂ©sentĂ©s comme Ă©quivalents. La linĂ©aritĂ© de la fiction se construit non plus dans l’écriture de l’œuvre, mais dans sa lecture. Il n’existe pas une seule lecture mais un certain nombre de lectures fictionnellement Ă©quivalentes, Ă©quivalences qui, suivant les techniques mises en Ĺ“uvre, ne sont pas sans poser Ă  la fois des problèmes de cohĂ©rence locale et globale. Son aspect le plus novateur rĂ©side dans la possibilitĂ© dès lors offerte au lecteur de tracer sa propre trajectoire dans cet espace, il oblige le crĂ©ateur Ă  s’attaquer aux problèmes de mise Ă  disposition en dĂ©finissant Ă  la fois leur ergonomie, leurs modalitĂ©s et leurs limites, toutes questions qui obligent Ă  l’invention de ce que l’on peut appeler une rhĂ©torique de l’interactivitĂ© jouant sans cesse sur une opposition libertĂ©-contrainte, ou, pour le dire autrement, sur le plaisir-frustration du lecteur qui est invitĂ© Ă  choisir mais dans un ensemble de choix prĂ©constituĂ©s, prĂ©dĂ©finis et limitĂ©s, mĂŞme si cette limite — souvent Ă  cause des possibilitĂ©s combinatoires â€” est de l’ordre de l’infini mathĂ©matique.
    La gĂ©nĂ©rativitĂ© ajoute une troisième dimension Ă  cet espace : l’approche gĂ©nĂ©rative implique en effet que tout point de la fiction, dominĂ© par la gĂ©nĂ©rativitĂ©, est un point virtuel dont l’actualisation n’est particulière qu’à un instant T donnĂ© de la lecture. Â» Jean-Pierre Balpe
  • 6_ François Rouet, Le livre, mutations d’une industrie culturelle, Documentation française, 2007
    6_ Antoine Gallimard, Rapport de la mission de rĂ©flexion sur la librairie indĂ©pendante, 10 septembre 2007 et rapport de Jacques Valade, La galaxie Gutenberg face au « big bang Â» numĂ©rique 26 septembre 2007

  • Illustrations

    • Dans le cadre du projet Babel on demand, Kevin Gotkovsky et CĂ©lestin Krier on poursuivi leur travail auto-rĂ©flexif maintenant focalisĂ© sur leur numĂ©ro de duettiste. Ils ont proposĂ© une Ă©dition miroir drolatique et dĂ©licieuse se proposant de rĂ©Ă©diter en le dupliquant le drame lyrique Castor et Pollux en regard de matières analogues de la culture populaire. ils se sont aussi permis quelques touchants pas de deux illustrant gracieusement leur tandem graphique.

      Ă” moments les plus doux !
      Ă” mon frère ! Est-­ce vous ?
      Extrait de Castor & Pollux, tragédie lyrique de Jean-Philippe Rameau, composée sur un livret de Gentil-Bernard, 1737.

      (Bret) — Are you thinking what I’m thinking?
      (Jemaine) — No, I’m thinking what I’m thinking.
      (Bret) — So you’re not thinking what I’m thinking?
      (Jemaine) — No, ’cause you’re thinking I’m thinking what you’re thinking.
      Extrait de la chanson We’re both in love with a sexy lady, de l’Ă©pisode 6 de la saison 2 de la sĂ©rie Flight of the Conchords, crĂ©Ă©e par James Bobin, Jemaine Clement et Bret McKenzie, 2009.

      (Dave) — I see a roof!
      (Cody) — I see it too!
      (Dave) — I don’t think it’s a mirage brother, I think this is it, end of the line.
      Extrait de l’Ă©pisode 5 Desert Breakdown de la première saison de la sĂ©rie Dual Survival, Cody Lundin et Dave Canterbury, 2010.

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