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Chou, Andy

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blondes

Nina Childress, Les Blondes III, 90 x 90 cm,
huile et acrylique sur toile, 1997

Dans le dernier Art Press de DĂ©cembre 2009, le philosophe Richard Shusterman propose une critique du dernier livre d’Arthur Danto consacrĂ© Ă  la figure d’Andy Warhol. Warhol n’est pas n’importe quel artiste pour Arthur Danto, philosophe analytique du contexte thĂ©orique qui fait « l’artisticitĂ© Â» d’une Ĺ“uvre. C’est en effet les boites de soupe Brillo, dont Duchamp disait justement qu’elles n’étaient pas que des boites de soupe, qui ont amenĂ© Danto Ă  poser l’art en tant que « question de sa dĂ©finition Â» assurĂ©ment articulĂ©e avec les perspectives philosophiques.
 

Cette approche de ce qu’il appelle une transfiguration artistique, Shusterman la critique avec bienveillance en la rapprochant de ce qu’il appelle la tendance « transcendantale religieuse Â» de Danto. Shusterman veut se placer dans la lignĂ©e joyeuse et presque dionysiaque des contre-culturelles, musicales, sexuelles et stupĂ©fiantes annĂ©es 60. Shusterman veut ramener Wharol Ă  son origine de graphiste, soit un artiste appliquĂ© Ă  la cause du banal, du divertissement et de la masse : un dĂ©fenseur de la cause du design et des produits industriels qui « mine l’idĂ©ologie transcendantale de l’art Â». On est peut ĂŞtre pas si loin, dans une perspective inversĂ©e, d’un art art appliquĂ© Ă  la sociologie ou d’un art du « spectacle du quotidien Â» Ă  la Hou Hanru qui revendique la non autonomie de l’art vis-Ă -vis du mouvement du monde.

Sans trop m’avancer dans une critique de Shusterman et de son propre penchant transcendantal quand il convient que « la passion religieuse et la beautĂ© peuvent se manifester dans les plus humbles des objets terrestres Â», je soulignerai que son analyse inscrit l’œuvre de Warhol dans une controverse entre le ciel et la terre qui me paraĂ®t ĂŞtre le symptĂ´me de ce qui est, selon moi, sa caractĂ©ristique la plus saillante.
 

Je voudrais d’abord rappeler que l’œuvre de Warhol est prĂ©cisĂ©ment toujours inscrite dans une controverse, et que ses dĂ©tracteurs comme ses dĂ©fenseurs se posent souvent en termes moraux. Quand Shusterman voit Warhol « faire redescendre l’art de son piĂ©destal transcendantaliste pour le mettre au niveau de la vie (et du commerce) Â» Roland Barthes dĂ©nonce, sa facticitĂ©. Thomas Crow y voit un genre de plaidoirie Ă  charge contre les dĂ©sastres et l’obscĂ©nitĂ© de son Ă©poque. Hal Foster le retour d’un rĂ©el, en l’occurence traumatique, dans l’art… Dans cet incessant affrontement des hauts et des bas de la culture, dans cet inextricable dilemme du rapport coupable avec les sĂ©ductions de la marchandise, se dessinent, au choix, des dĂ©nonciation d’un quotidien aliĂ©nant Ă  la Lefebvre, une apologie bienheureuse de la marchandise, ou un cynisme fatalisto nihiliste de l’incapacitĂ© Ă  la Debord de contester la logique du spectacle sans faire le jeu d’un « spectacle de la contestation Â».

Je voudrais dire ensuite que l’horizon pop constitue l’autre rĂ©volution des annĂ©es 60, peut ĂŞtre pas incommensurable Ă  sa « voisine Â» conceptuelle. Le pop art se constitua dans une certain questionnement de la culture populaire de l’âge de la consommation. Questionnement non dĂ©nuĂ© d’une certaine distance voire de ce que j’appellerai une certaine « plasticitĂ© Â». Les annĂ©es 60 ne sont pas « les annĂ©es plastiques Â» seulement pour leur attrait, façon Independent group, pour les matières technologiques pouvant prendre n’importe quelle forme. Cette plasticitĂ© renvoie aussi Ă  l’ironie retorse et ambigĂĽe entretenue Ă  l’égard de la morale mĂŞme vĂ©hiculĂ©e par cette nouvelle civilisation idĂ´latre de « la rĂ©pĂ©tition », de « l’image comme ultime rĂ©ification de la marchandise » et du « fĂ©tichisme de la marchandise Â».

Bref, à de nombreux titres, le pop art, du moins celui de Warhol car il y a plusieurs pop arts, en même temps qu’il annonçait notre époque post-moderne du simulacre et d’un capitalisme triomphant sans ailleurs, était empreint d’une dimension conceptuelle. Sa grande révolution était, selon moi, et je m’inscris donc plutôt du côté de Danto, d’amener la plastique moderne, proprement visuelle et se voulant autonome, du côté d’une plasticité conceptuelle de l’ordre de la pénétration de l’objet d’art par des considérations contextuelles, politiques, sociales, formulables en termes de fonction, de statut et de morale de l’objet artistique.
 

Illustration : Nina Childress, Les Blondes III 90 x 90 cm huile et acrylique sur toile 1997

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