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Le livre est un objet du monde

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Le livre, depuis que le bon design n’est plus seulement celui qu’on ne remarque pas, est un espace de théâtralisation, de surprises et d’effets qui proposent une sorte de commentaire, d’écho, de jeu avec la matière littéraire et iconographique qu’ils sont sensés servir et avec laquelle ils prennent finalement des libertés. Libertés qui participent à l’ouverture au sens énergétique de l’œuvre chère à Umberto Eco. Libertés qui visent à répondre à cette pulsion scopique qui selon le jeu de mot lacanien fait dialoguer voir, savoir et saveur. Libertés qui imposent tout au moins un certain raffinement perceptif et une certaine qualité d’attention aux arguments du livre et, évidemment, y compris littéraires…

Ce jeu est resté longtemps l’apanage du signe dans ce qu’il peut avoir de « détaché », dans ce qui relève en lui de la stricte graphie, en quelque sorte du pré-presse. Je veux dire que ce travail rhétorique et poétique se concentrait dans le travail presque désincarné des formes, des écritures et des images : de la gestion inédite du gris ou d’une grille typographique, du choix intrigant d’un caractère, d’une disposition de texte, d’un rapport texte image, d’une façon de distribuer les pleins et les vides, d’une incroyable proportion des titres, des marges ou des rectangles d’empagement…

Mais le signe n’existe que s’il est supporté. S’il existe un support matériel, un canal comme le dit Roman Jakobson, qui lui permette de se manifester dans le monde des phénomènes observables.
Il me semble qu’une nouvelle attention qui est aussi un raffinement de notre travail de graphiste s’attache maintenant, comme une « extension du domaine créatif », à une approche inventive de l’objet livre, de sa peau, de sa matérialité, de son toucher, de ses « forments » pour reprendre le vieux mot de Maurice Denis, de ses technologies de mise en œuvre, de son façonnage.

J’en veux pour preuve quelques productions récentes : d’abord le magnifique catalogue de l’exposition La liste que Jean-Marc Ballée produisit en 2000 en jouant admirablement et comme dans un exercice d’accrochage, sur la scansion de l’extrême variation des formats de page devenues tirages photographiques, sur de soudains déploiements en plis accordéon et sur les contrastes des recto couleur satinés et des versos mats aveugles.

Ensuite le travail de Salut Public de 2008 Malick Sidibe – Fondation Zinsou. Proposition presque classique dans un sens « surmoderne » qui engloberait la rĂ©fĂ©rence moderniste dans cette concession de pĂ©rennitĂ© indĂ©modable. Édition luxueuse et presque naĂŻvement glamour qui vient structurer les diffĂ©rents niveaux de la matière sĂ©mantique du livre (les portraits de commande, diurnes et posĂ©s, vs les reportages nocturnes pris sur le vif de la fĂŞte) par la gestion des formats, des supports papier et des chromies, tout en rejouant avec subtilitĂ©, par la rĂ©currence des contrastes sensuels de matitĂ© et de brillance, par la main presque rigide du papier retenu, par l’effet dĂ©monstratif du vernis UV, tout Ă  la fois la « prĂ©sence » du portrait et du tirage photographique argentique ainsi que l’optique de verre derrière laquelle tout le monde dĂ©file…

Je finirai par le travail spectaculaire, toujours sur le fil de l’excès, de Mathias Schweizer. D’abord en rendant compte de l’incroyable calandrage peau de crocodile, évidemment parfaitement inutile, de l’affiche qu’il réalisa en 2005 pour l’exposition de Jean-Marc Ballée à Chaumont.
Ensuite en proposant son travail de 2007 de brochure d’information Mecca 02 pour le Crédac démontrant un sens stupéfiant de la surprise dans la séquence de déploiement de l’objet éditorial. Surprise relayée par les effets de chromie (par exemple contrastes de monochromie puis de quadrichromie), par des effets de supports papier (contrastes de teinte, de main, de surface, de grammage, de nature de la matière et jusqu’à cet incroyable recto argent verso blanc mat…), par des effets d’articulation, d’encartage et de pliage réservant des effets strictement théâtraux de dissimulation et de surgissements dans la manipulation de la chose éditoriale.

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