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L’érudit et le dessinateur

  1. 500 km m’éloignaient ce jour-là de cette conférence… étiez-vous présent pour recueillir ses mots ou avez-vous pu avoir accès à un enregistrement? J’ai contacté l’ENBAL à ce sujet, mais je reste sans réponse… merci pour votre réponse et en tous cas votre billet.

  2. Effectivement, on retrouve une fraîcheur, une sorte de naïveté infantile et en même temps une grande intelligence et une forme de pragmatisme face à sa pratique.

  3. C’est incroyable que même une figure aussi reconnue et importante dans le «graphisme» (du coup je ne sais plus quoi utiliser comme terme) ne sache pas définir sa propre activité, ni même qui il est (si tenté de dire que la fonction fait l’homme)…

    Est-ce parce que ce «métier» évolue constamment, alors une chose toujours en mouvement est difficile à cerner ?
    Où est-ce parce que de nature, le graphisme est une chose indéfinissable, à la croisée de pratiques nombreuses et diverses ?
    Et comment les graphistes peuvent exister au sein d’une société si eux-même ne savent pas ce qu’ils font, ni qui ils sont ?

    Pour Excoffon, un graphiste fait de la …graphie (renault-graphie, air france-graphie, etc…), pour d’autres un graphiste dessine à dessein — dans le cadre d’une commande — les différents éléments graphiques d’un processus de communication… mais ces tentatives de définitions date de 30/40 ans…

    Aujourd’hui je suis quoi ? Et demain ?

    Encore merci pour ce partage et à bientôt.

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Concile d’amour d’Oskar Panizza

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Concile d’amour d’Oskar Panizza

J’aime la façon exigeante, sincère et drôle, dont Philippe Millot défend sa pratique, entre solitude de l’érudition et travail en tant que temps véritable, aussi bien que support et matière à collaboration.

C’est pourquoi je me permets de vous faire profiter de morceaux choisis des réponses aux questions à l’issue de la conférence qu’il a donnée aux Beaux-Arts de Lyon, le premier Décembre 2010.

« Quand je dis, moi, comme ça, que l’érudition, c’est une forme de solitude, c’est plutôt histoire de dire que ce que je fais, le premier pour qui je le fais, c’est moi… Et que c’est la seule raison pour laquelle je le fais.
Quand un commanditaire, enfin quelqu’un, avec qui je travaille me dit “mais Philippe, il y n’a que toi qui le voit, ça”, c’est la meilleure justification de mon travail. Et… et c’est la seule valable.

[…] Est-ce que, tout seul, quand vous êtes en train de travailler, vous vous excitez tout seul aux choses que vous imaginez ? Pour moi c’est ça. Il m’arrive, je dis de perdre parce que c’est plus rapide à dire, il m’arrive de perdre énormément de temps quand je commence à travailler, que tout à coup je me mets à lire, un livre, deux livres, trois livres, quatre livres, cinq livres…
Parce que, parce qu’en fait ça me fait penser à ça. Puis celui-là m’a fait penser à ça. Ça m’a fait rebondir là-dessus… Ça m’a fait ça, ça m’a fait ça… et à la fin c’est fait pour faire quoi ? Une invitation… Bah, ça, c’est difficilement partageable à la fin…

Alors, on le trouve, hein, avec certains. Plus ça va, pour moi, plus, enfin plus ça va, plus j’avance, plus je vieillis, plus, cette façon de trouver des gens, qui vivent de façon singulière, c’est pas, c’est pas des gens extravertis, c’est pas des gens…c’est pas toujours ça, hein… c’est pas… Mais de façon singulière, c’est à dire comme des, comme des êtres uniques. À un endroit, à un moment d’eux, ils ont quelque chose d’unique. Bon, hem… de seul. Plus ça va, plus j’espère travailler, trouver des gens, qui ont envie de travailler comme ça. »

Philippe Millot ne se veut ni graphiste dans le sillage grapusien, ni graphic designer dans l’acception fonctionnaliste suisse, mais plutôt, artisan artiste en quelque sorte à l’ancienne, intempestif dessinateur…

« J’ai jamais voulu être graphiste. L’idée même du graphisme me… enfin ça me touche.[…] Bah, ça vient aussi de la formation hein, que j’ai eue, c’est à dire que, à l’école, on avait… en gros, le design graphique suisse, et on avait le graphisme français. Et, je ne me sentais pas plus designer graphique suisse, hein… mais en tout cas cette acceptation du, du mot graphisme et tout ça, je ne… voilà, ça me va pas moi, je, je… je m’y retrouve pas, j’entends pas de quoi il s’agit.

Donc, j’ai cherché… une façon de dire ce que… ce que je faisais et je voulais que ce soit à la fois du côté de l’artisanat, du côté de la main, et… et qu’en même temps,… on soit du côté de l’art, si on veut.
C’est bien prétentieux hein, mais… de revendiquer ça.[…] Bon, mais, de dire qu’il y avait quelque chose de, de l’ordre de l’art dedans, et, et puis c’est vrai que ça introduisait un drôle de, un drôle de truc, parce qu’on se disait… dessiner un livre ? Mais… il fait quoi, il dessine des livres dans son carnet ?
Enfin, il y a… on ne sait pas, on ne voit pas très bien ce que ça peut être, bon, voilà. Donc, et je trouvais que c’était vraiment la chose la plus juste parce que, c’est vrai que, dans mes carnets, en fait, tous mes livres sont dans mes carnets. Hein, je les, je dessine absolument tout, tous les livres sont conçus par dessin dans les carnets.
Et donc… ils sont tous faits de cette façon là… J’aime bien, et puis ça a quelque chose de… ça a quelque chose de désuet, “qu’est ce que tu fais dans la vie ?” “Moi ? je dessine”. “Il fait quoi votre fils ?” “Bah, je sais pas, je crois qu’il… ” […]
Le langage, évidemment, a une importance considérable, hein… La façon dont on parle, le, la façon dont on écrit… c’est une forme, c’est une forme, donc ça compte énormément, alors moi quand : “conception graphique”… Je vis pas dans ce monde là… “Identité visuelle”, moi je le dis parfois parce qu’on a… c’est des choses qu’on reconnait mais, même ça, je sais pas ce que c’est. J’ai l’impression que c’est tellement des choses qui, qui sont du jargon, et… qui correspondent même pas effectivement à, à ce que la communication n’arrête pas de raconter qu’elle est. C’est à dire d’établir de la communication entre les gens. […] Puis je me souviens que par rapport à “dessin”, la première fois que j’ai du le poser, c’est parce qu’à l’école, j’avais fait un truc avec l’école, puis j’avais gagné un espèce de petit concours interne, alors le travail avait été publié, et l’école avait du mettre… designer. Et l’imprimeur avait corrigé et avait mis désigné. “E” accent aigu. C’était moi qui avait gagné. J’étais celui qui avait été désigné. Et donc… je me suis dit c’est très joli. Très très joli ça…
[…] C’est des trucs tous bêtes, mais si je dis graphisme à mes enfants… ils savent pas ce que c’est. Si je leur dis que, que bah je dessine, comme eux. Eux aussi ils dessinent. Ils font plein de trucs en dessin, et tout ça, c’est un beau métier. Quand ils étaient à la Villa [La Villa Médicis où Philippe Millot était résident cette année] et qu’ils voyaient l’autre : “il fait quoi ?” “Il fait du cinéma.” “Ohé, c’est bien ça… je sais ce que c’est. Il est écrivain, il écrit. Elle est musicienne…” Bah, voilà, ça marche. Donc c’était pour essayer de retrouver un côté un peu charnel. Avec… avec ça. »

Illustrations : Le théâtre complexe du Concile d’amour d’Oskar Panizza aux étranges temporalités dialogiques interpolées avec surprises et Deus ex machina, au sein du même livre plus ou moins diabolique… Agone éditions Cent pages 2008

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