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The Promise of Moving Things

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Nina Canell, Treetops, Hillsides and Ditches, 2011. Résine végétale, bĂ»ches ; dimensions variables. Vue de l’exposition The Promise of Moving Things (commissaire : Chris Sharp), Centre d’art contemporain d’Ivry – le Crédac, 2014. Photo : André Morin / le Crédac. Courtesy Konrad Fischer Galerie, Berlin ; Collection privée, Belgique. © Nina Canell / Adagp, 2014.

 

Comment aborder aujourd’hui l’épineuse question de la vision de l’avenir dans l’art contemporain ? C’est par un cycle de quatre expositions que le curateur amĂ©ricain Chris Sharp s’attaque Ă  cette problĂ©matique classique mais dont les termes ont Ă©tĂ© reformulĂ©s Ă  l’époque actuelle. AprĂšs les deux premiers volets Ă  la fondation Giuliani (« The Promise of Melancholy and Ecology Â») et au Parc Saint LĂ©ger (« The Promise of Multiple Temporalities Â»), et avant l’ouverture du quatriĂšme volet Ă  De Vleeshal (« The Promise of Literature, Soothsaying and Speaking in Tongues Â»), l’exposition du CrĂ©dac, « The Promise of Moving Things Â», dĂ©cline l’idĂ©e de promesse dans sa relation Ă  l’objet. Bien que chacun de ces quatre projets soit indĂ©pendant des autres, l’ensemble est traversĂ© par des questionnements, des doutes et des obsessions communs aux artistes rĂ©unis par Chris Sharp : ce sera, notamment, un rapport au monde, Ă  l’écologie et au temps placĂ© sous l’angle de la matiĂšre ; une sorte de nouveau matĂ©rialisme, inspirĂ© par les philosophies de l’objet du type « Ontologie orientĂ©e objet Â».

 

Si le genre de l’anticipation a explorĂ© les moindres recoins de la relation de l’homme Ă  la technique (robots, TroisiĂšme Guerre Mondiale et voyages dans le temps en tĂȘte de liste), l’exposition du CrĂ©dac a le mĂ©rite de situer le fantasme de l’avenir Ă  un niveau Ă  la fois plus modeste et plus complexe : ni visionnaires ni prophĂštes, les artistes invitĂ©s ne contemplent pas le monde depuis un point de vue privilĂ©giĂ© ; bien au contraire, on a la sensation qu’ils appartiennent de façon organique au monde et aux choses, tout comme leurs Ɠuvres. Entre eux-mĂȘmes et les objets qu’ils crĂ©ent ou observent, s’établit un continuum plus qu’une diffĂ©rence d’ordre ontologique. Ainsi les « objets qui bougent Â» que l’on peut voir au CrĂ©dac ont tous leur vie propre ; Ă©volutifs, auto-gĂ©nĂ©rĂ©s, anthropomorphisĂ©s, ils s’offrent moins au regard du visiteur qu’ils ne lui imposent une forme de prĂ©sence indiffĂ©rente.

Michael E. Smith, Sans titre, 2014. Faisceau de câbles ; dimensions variables. Vue de l’exposition The Promise of Moving Things (commissaire : Chris Sharp), Centre d’art contemporain d’Ivry – le Crédac, 2014. Photo : André Morin / le Crédac. Courtesy de l’artiste, Clifton Benevento, New York & Michael Benevento, Los Angeles.

 

DĂšs le hall d’accueil, le rĂ©seau Ă©lectrique de voiture rampant au plafond de Michael E. Smith joue de sa ressemblance avec les artĂšres d’un Ă©corchĂ© ; de mĂȘme que les blocs de rĂ©sine rosĂątre de Nina Canell, en s’effondrant lentement sur des morceaux de bois dressĂ©s comme des piquets, rappellent avec sensualitĂ© la matiĂšre de la chair. Sans ĂȘtre figuratives ni narratives, ces Ɠuvres parviennent Ă  rendre la frontiĂšre entre objet et corps poreuse, et donner la sensation que plutĂŽt que d’avoir Ă©tĂ© crĂ©Ă©es par un auteur, elles se sont gĂ©nĂ©rĂ©es d’elles-mĂȘmes, dans une forme de croissance organique un peu monstrueuse.

 

Chez Antoine Nessi, on retrouve le goĂ»t de Michael E. Smith pour le matĂ©riau industriel alliĂ© Ă  une sĂ©rie de formes tubulaires et gonflĂ©es autour d’un vide central, dont la fonction reste obscure. Ces objets fabriquĂ©s par Nessi ont l’air d’avoir Ă©tĂ© empruntĂ©s Ă  une machine inconnue ; ils jouent du contraste entre l’arrondi de leurs formes d’organes et l’aspect brut de leur finition, couturĂ©e de traces sombres de soudures. À la mi-parcours, le film d’Alexander Gutke reprĂ©sente l’expĂ©rience d’une bande de film 35 mm entrant et sortant en boucle de son projecteur ; dĂ©mesurĂ©ment agrandie, cette boucle prend une dimension quasi mystique en jouant sur les clichĂ©s des reprĂ©sentations cinĂ©matographiques en vue subjective d’une Ăąme quittant son enveloppe charnelle. Le procĂ©dĂ© rappelle la croyance qui lie, depuis ses dĂ©buts, le mystĂšre de l’image photographique Ă  celui de l’ñme humaine, comme si, en capturant l’image de l’ĂȘtre, la pellicule photosensible gardait un petit supplĂ©ment de son Ăąme1.

Antoine Nessi, Unknown Organs, 2014. Inox, aluminium, laiton, acier galvanisé ; dimensions variables. Vue de l’exposition The Promise of Moving Things (commissaire : Chris Sharp), Centre d’art contemporain d’Ivry – le Crédac, 2014. Photo : André Morin / le Crédac.

 

La forme d’animisme contemporain que dĂ©fend le curateur de l’exposition prend tout son essor dans la grande salle de l’exposition, avec l’installation de Hans Schabus, Konstruktion des Himmels. Autour d’une lampe d’architecte Ă©tendue au sol, Schabus a placĂ© des boules de cire reprenant la composition de la constellation dite de « l’Atelier du Sculpteur Â». L’artiste autrichien cite souvent dans son travail son propre atelier de Vienne, Ă©toile de rĂ©fĂ©rence de sa propre constellation personnelle, comme une sorte d’étalon de mesure de ses installations en contexte d’exposition. Ici, la matiĂšre fragile de la cire posĂ©e Ă  mĂȘme le sol donne la sensation que la constellation en question, librement interprĂ©tĂ©e par l’artiste, est avant tout un appel Ă  cet espace privĂ©, presque une incantation.

 

Quasi intĂ©gralement au niveau du sol, sobre et discrĂšte, cette exposition difficile Ă  photographier est le contraire d’une dĂ©monstration spectaculaire ; d’autant que la grande force du projet tient sans doute dans la relation des Ɠuvres Ă  l’architecture d’usine dĂ©saffectĂ©e du CrĂ©dac. Comme le souligne Chris Sharp, chacune de ces Ɠuvres pourrait avoir Ă©tĂ© trouvĂ©e sur place tant elles s’inscrivent dans une esthĂ©tique industrielle (ce Ă  quoi renvoie, de façon presque trop Ă©vidente, une autre Ɠuvre de Michael E. Smith, un masque de soudeur transpercĂ© par une scie). Si promesse d’avenir il y a, elle semble Ă©maner des Ɠuvres elles-mĂȘmes, spontanĂ©ment, presque au dĂ©triment de leurs crĂ©ateurs qui n’auront Ă©tĂ© que les vecteurs d’une volontĂ© de croissance irrĂ©sistible venue des objets eux-mĂȘmes, les rĂ©els auteurs de cette exposition.

Alexander Gutke, Auto-scope, 2012. Film 16 mm ; 1 mn en boucle. Vue de l’exposition The Promise of Moving Things (commissaire : Chris Sharp), Centre d’art contemporain d’Ivry – le Crédac, 2014. Photo : André Morin / le Crédac. Courtesy Galerija Gregor Podnar, Berlin / Ljubljana.

 

The Registry of Promise – 3 : The Promise of Moving Things
Nina Canell, Alexander Gutke, Michael E.Smith, Antoine Nessi, Mandla Reuter, Hans Schabus
Commissaire : Chris Sharp
Exposition au Crédac, Ivry-sur-Seine, du 12 septembre au 21 décembre 2014

  1. « Ne nous bornons donc pas Ă  dire, comme nous le faisions plus haut, que la mystique appelle la mĂ©canique. Ajoutons que le corps agrandi attend un supplĂ©ment d’Ăąme, et que la mĂ©canique exigerait une mystique. Les origines de cette mĂ©canique sont peut-ĂȘtre plus mystiques qu’on ne le croirait ; elle ne retrouvera sa direction vraie, elle ne rendra des services proportionnĂ©s Ă  sa puissance, que si l’humanitĂ© qu’elle a courbĂ©e encore davantage vers la terre arrive par elle Ă  se redresser, et Ă  regarder le ciel. » Henri Bergson, Les deux sources de la morale et de la religion, PUF, 1932. []

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