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Design(ation)

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Xavier Antin, L + T, galerie Bf 15
Photographie Aurélien Mole

Ă€ l’occasion d’une discussion avec le designer graphique et artiste Xavier Antin au sujet de sa dernière exposition L + T Ă  la galerie Bf 15 – dans laquelle il prolonge ses intĂ©rĂŞt spĂ©culaires et spĂ©culatifs en s’intĂ©ressant aux extraordinaires architectures de la vision d’une figure parfois Ă©tonnemment mĂ©connue des avant-gardes du XXe, le graphiste, designer, architecte et artiste viennois Frederick Kiesler â€“ j’ai pris conscience de l’ambiguĂŻtĂ©, et peut-ĂŞtre de la fĂ©conditĂ© du terme de dĂ©signation.
 

Xavier Antin, L + T, galerie Bf 15
Photographie Aurélien Mole

La dĂ©signation a pu tĂ©moigner d’une certaine façon pour le monde de l’art, Ă  partir de Marcel Duchamp, de vouloir prĂ©fĂ©rer, comme l’a dit plus tard Douglas Huebler1, ne pas ajouter au monde d’objets plus ou moins intĂ©ressants, de « simplement, constater l’existence des choses Â», de « simplement Â» documenter et par lĂ , en quelque sorte, dĂ©signer certains objets comme art possiblement « dĂ©jĂ  fait Â» et surtout si ces objets ne sont pas des objets consacrĂ©s par le monde de l’art, et y compris si ces objets sont eux-mĂŞme des dispositifs de documentation, de monstration ou de dĂ©monstration.

La dĂ©signation pourrait en effet aujourd’hui qualifier un certain nombre de pratiques qui s’intĂ©ressent, au delĂ  ou en mĂŞme temps qu’aux objets de la production artistique, Ă  leurs conditions d’exposition, voire Ă  l’exposition en elle-mĂŞme en tant que moyen – idĂ©ologique, institutionnel, technique, poĂ©tique pourquoi pas… â€“ prĂ©cisĂ©ment, de dĂ©signer, de relancer la dynamique d’un regard auto-rĂ©flexif2

Mais il est vrai que la dĂ©signation participe aussi Ă  l’étymologie du terme design. Un mot d’abord français puis italien capable aujourd’hui de qualifier – pour ne pas dire dĂ©signer â€“ dans la lingua franca contemporaine de l’anglais international, l’ensemble des territoires des arts appliquĂ©s, exception faite peut-ĂŞtre de l’architecture, mère de tous les arts. Un mot qui semble vouloir pour les matières qu’il concerne la dĂ©signation d’une certaine adhĂ©rence au rĂ©el et Ă  ses fonctionnements : l’idĂ©e d’une vocation, d’une programmation des objets, des espaces, des images, d’une disposition en fonction d’une certaine finalitĂ©, de certains horizons d’attente. L’idĂ©e qu’au delĂ  d’une composition qui arrange les objets posĂ©s les uns avec les autres, la pièce artistique peut relever d’une disposition, d’un dispositif qui positionne les objets les uns vis-Ă -vis des autres en fonction de l’extĂ©rioritĂ© d’une visĂ©e3.

Xavier Antin, L + T, galerie Bf 15
Photographie Aurélien Mole

Il me semble que le travail de Xavier Antin s’intéresse justement beaucoup aux dispositifs optiques, aux machines à voir et à projeter, à ces index de vision capables d’indiquer la portion du champ visuel à considérer en fonction de certaines qualités documentaires mais aussi de déporter la circulation des informations dans une fabrique miroitante d’effets de tautologies, d’enchâssements, de récursivités, qui nous plongent dans le mouvement de la généalogie des images et de leurs conditions d’apparition.

Et l’on pourra peut-ĂŞtre se rendre compte qu’il y a une continuitĂ© entre le travail sur les techniques de production des images – qui a animĂ© toute une part du travail de Xavier Antin, des bricolages d’imprimantes Printing at home au raccourci historique de chaine graphique Just in time ou aux plus rĂ©cents dispositifs intĂ©grant des tirages jets d’encres « Ă©puisĂ©s Â», des scanners « dĂ©voyĂ©s Â» ou des imprimants 3D « abusĂ©es» Ă  la galerie CrèvecĹ“ur, Ă  la Maison Bernard Antonioz, ou dans le cadre de l’exposition collective Traucum â€“ et le questionnement de leurs moyens de circulation sur la place publique – que l’on peut du reste appeler aussi bien Ă©dition, publication ou publicitĂ© qu’exposition.
 

Martin Schmidl, 2010
Frederick Kiesler
Leger und Träger
1924

Ă€ la Bf 15, Xavier Antin propose une reconstitution des structures Leger und Träger que conçut Frederick Kiesler en 1924 pour prĂ©senter des documents de scĂ©nographies théâtrales Ă  la Internationale Ausstellung neuer Theatertechnik de la Konzerthaus de Vienne. Il tente de rĂ©pliquer mais aussi de restituer une version des dispositifs de l’histoire de l’art et de ses applications pensĂ©s pour donner Ă  voir des images, et pas n’importe lesquelles : des images de scĂ©nographies de théâtre. La rĂ©alisation de cet exercice s’effectue lui-mĂŞme Ă  partir d’images issues du fonds d’archive de la Fondation Friedrich et Lillian Kiesler. Des images du reste incomplètes, qui dissimulent dans leurs hors-champs ou leurs angles morts certains dĂ©tails de leur technique de construction.

Xavier Antin, L + T, galerie Bf 15
Photographie Aurélien Mole

Les matériaux utilisés dans cette reconstitution expérimentale sont des planches et des tasseaux issus d’ateliers d’artistes. Ce sont donc des matières, des moyens, des environnements de la production des images. Ces matériaux de bois ou de toile tendue sont du reste maculés de traces de productions picturales ou sculpturales. Mais ils sont aussi recouverts de l’orthogonalité régulière d’une trame typographique assez subtile, qui demande un certain effort d’accoutumance visuelle, une certaine qualité d’attention. Cette trame qui est l’outil optique nécessaire de la reproduction industrielle des images en série est ici réalisée par une imprimante jet d’encre qui permet une production à l’unité et à la demande. Cette trame qui est le signe de l’imprimé et de la reproduction inquiète la nature et le statut des matériaux de construction des structures sculpturales pris à plusieurs titres et dans plusieurs mouvements entre produit, application, forment et moyen de la fabrique artistique.

  1. Douglas Huebler, Catalogue January 5-31, 1969, Seth Siegelaub, New-York []
  2. Ă€ ce propos on pourra lire Rosalind Krauss et sa thĂ©orie de l’index qui n’est pas sans Ă©voquer notre question de la dĂ©signation. « Notes sur l’index. L’art des annĂ©es 1970 aux États-Unis Â», Macula, 5/6, 1979, p.172 et « Marcel Duchamp ou le champ imaginaire Â» [1980], in Le photographique ; pour une thĂ©orie des Ă©carts, Macula, Paris, 1990, p. 71-88 []
  3. le prĂ©fixe dis- indique une sĂ©paration, une direction cf Alain Rey (dir.) « dis Â», Le Robert, Dictionnaire historique de la langue française, Dictionnaires Le Robert, Paris, 2000, p. 1094 []

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